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Depuis que j’avais 15 ans, et probablement même avant, je savais ce que je voulais être et devenir. Je rêvais de devenir écrivain et conférencier. Et j’ai d’ailleurs commencé tout de suite à devenir qui j’étais, sans attendre.

Je compare les rêves de la jeunesse à une branche ou une barre à laquelle on s’accroche avec deux mains et deux bras lorsqu’il y a l’abîme et la mort certaine en-dessous de nous. Lorsque vous êtes ainsi suspendu dans le vide, et que quelqu’un vient vous couper un bras, vous restez accroché coûte que coûte avec le dernier bras qui vous reste, le plus longtemps possible. Une minute de plus compte. Une seconde de plus devient comme une éternité.

Il ne faut surtout pas dévoiler ses rêves à ceux qui ne vous appuieront pas, et encore moins à ceux qui vont vous décourager et vous désespérer. En gros, il faudra très souvent s’attacher à ses rêves dans le plus grand secret. Et il vaut mieux les vivre et les concrétiser plutôt que d’en parler.

J’ai des amis d’enfance du côté de la Méditerranée qui se reconnaitront dans ce que je dis. Depuis très longtemps, ils savent que j’avais un talent pour donner des “conférences” adaptées aux oreilles qui écoutent. J’ai fait ça dans tous les pays où j’ai vécu. J’ai toujours parlé des mêmes choses : le sens de la vie, le thème de dieu, les religions, la politique, l’économie, l’amour, le désir, le malheur, la peur, l’argent, les fondements de la morale et de la psychée humaine, les sciences, la biologie, la stratégie, parfois même je parle des mathématiques, de la musique, des drogues, des théories de la physique.

J’ai vécu toute ma vie en hypocrite. Je suis allé à l’école secondaire en hypocrite, j’ai passé des années à l’université en hypocrite. J’ai fait du business avec l’unique arrière-pensée de rester accroché à mes rêves, coûte que coûte, contre vents et marées. Je suis prêt à tout sacrifier sauf mes rêves. Je suis allé étudier la philosophie avec l’unique motivation d’améliorer mes compétences d’écrivain et de conférencier souterrain, je veux dire underground si vous préférez. Même dans les dizaines de pays où j’ai vécu, j’ai fait le touriste en hypocrite et avec l’unique arrière-pensée d’écrire et de parler. Je suis un rat, un verre de terre, un serpent. Je ne suis jamais devenu un professeur à l’université, ni un conférencier qu’on reconnaît à son large public et ses beaux habits. Je me présente toujours comme un fou, un abruti, un clochard qui n’a ni éducation, ni adresse, ni pays, ni valeurs. Et puis, je continue à faire le “travail” que je fais avec la même discipline de toujours. Tous les jours, je me lève pour apprendre, lire, réfléchir, parler et écrire.

Aujourd’hui, au début de la quarantaine, je considère que j’ai très bien réussi les rêves de ma vie. J’ai écrit plusieurs livres dont 6 sont publiés. J’ai publié des dizaines d’articles, et aussi des milliers de mots et de phrases ici et là. J’ai fait des centaines de “conférences”. Et vous savez quoi ? Ce n’est pas la quantité qui compte. S’il y a une seule personne avec qui j’ai parlé ou qui a lu des choses parmi ce que j’ai écrit et qui m’a dit : “Ça m’a fait réfléchir” ou bien “Ça a changé ma perspective sur la vie”, ou bien “Ça m’a aidé à prendre mes décisions d’une façon radicalement différente”, s’il y a une seule personne, c’est largement suffisant. Et si vous voulez vraiment que je vous dise la vérité, je vous avoue qu’il y a eu plus d’une personne. Alors pour moi, c’est mission accomplie. Je ne le dis pas pour me vanter, et à quoi ça me servirait de me vanter ? Hahaa. Je suis un marginal de toutes les sociétés du monde, et je suis très bien dans ma situation de nomade fantôme. Je n’ai jamais senti aucune affinité avec les systèmes scolaires, ni politiques, ni religieux, ni sociaux, ni nationaux, ni économiques. Et j’y participe quand même comme une fourmi qui transporte un petit bout de nourriture sur le dos, ou comme un moustique* qui se réveille pour sucer le sang de quelqu’un.

Vous avez sûrement compris que, encore une fois, je m’adresse aux jeunes qui ont encore des rêves à réaliser. Vivez vos rêves, réalisez vos talents ! Faîtes-le dans le plus grand secret. Ne vous découragez jamais. Entourez-vous de ceux qui vous comprennent et vous aiment comme vous êtes. Si personne ne vous comprend, regardez-vous dans le miroir chaque matin et faîtes-vous la promesse de ne jamais abandonner.

Le monde a besoin de gens comme vous. Le monde a besoin de gens qui n’ont pas peur de déployer leurs ailes et de s’élancer. L’échec n’existe pas. Ce n’est qu’une construction mentale et sociale. Les échecs ne sont qu’une séries d’apprentissages. Il y aura toujours des gens qui vont vous dire que vous êtes mauvais. Même si vous devenez le maître dans l’art que vous voulez produire, il y aura toujours des gens pour vous rabaisser. Ne cherchez donc jamais à plaire. Cherchez plutôt à être au sommet de qui vous êtes. L’arbre qui donne des fruits amers est un arbre en vie et en bonne santé. Le serpent qui terrorise les gens est un être en vie et en bonne santé. L’aigle qui s’élance du sommet de la montagne ne pense jamais au jour où il tombera par terre et son cadavre deviendra la nourriture des rapaces ; il plane tout simplement avec confiance, force et certitude. Devenez qui vous êtes ! Soyez immédiatement qui vous êtes !

* Voir l’article “Je suis un moustique” (2016).